Encore Winston !

‌Bonjour la compagnie,
Il est des personnages historiques dont on ne se lasse pas, le plus emblématique est sans conteste Winston Churchill dont nous parlons régulièrement.
Ses mots d’esprit et ses réparties nous enchantent.

Naturellement comme on ne prête qu’aux riches, certains n’ont jamais été prononcés comme la réplique à Lady Astor qu’on lui attribue en lui disant qu’il boirait son café empoisonné s’il était son mari – reste la réponse qu’il fit à la députée travailliste Bessie Braddock en 1946 :

  • Winston vous êtes saoul, horriblement saoul.
  • Bessie ma chère, vous êtes laide et pire encore horriblement laide. Mais demain moi, je ne serai plus saoul et vous vous serez toujours horriblement laide

Il ne perdait jamais l’occasion de vitupérer contre les partis socialiste ou travailliste. Par exemple : « le vice inhérent du capitalisme c’est la répartition inégale de ses bienfaits. La vertu inhérente du socialisme, c’est la répartition égale de ses méfaits ».

Ses réparties étaient toujours d’un humour assassin. Un jour un ancien travailliste de haut rang Wilfred Paling (palissade en anglais) cria « Sale Chien » à Winston. Celui-ci sans se démonter rétorqua « Le très honorable membre devrait se rappeler ce que font les chiens aux palissades. »
Inutile de dire que lors des interventions de Churchill la salle du parlement était comble.

Par ailleurs il était docteur honoris causa de plusieurs universités ce qui lui fit déclarer le 26 février 1946 « Je suis surpris de voir que, vers la fin de ma vie, j’ai acquis une telle expérience dans l’obtention des diplômes alors que, quand j’étais écolier, j’avais tant de mal à réussir mes examens. En fait on pourrait presque dire que personne n’a jamais réussi aussi peu d’examen et reçu autant de diplômes. ».

Notre grand homme a toujours été sensible au bonheur du peuple. Les travaillistes l’avaient évincé du pouvoir en 1946 et mis en place une multitude de lois sociales. Revenu au pouvoir en 1953 il n’abrogea rien, bien au contraire, poursuivra sa construction de logements sociaux. Sans doute une des conséquences de l’attitude du peuple anglais à son égard pendant la guerre. Il s’inquiéta également de l’état lamentable de la situation alimentaire et du rationnement. Lloyd George apporta à Downing Street un plat en fer où étaient peinte la ration d’une famille.

  • Pas mal dit Churchill avec satisfaction
  • Mais ce ne sont pas les rations pour un repas ni pour une journée, c’est pour une semaine
  • Une semaine ! mais la population meurt de faim ! s’exclama Winston hors de lui.

Il faudra attendre 1954 pour que la situation s’améliore ce qui sera à mettre au crédit de son gouvernement.

Son régime alimentaire faisait l’admiration de tous pour un homme de plus de 70 ans. En 1952 il confia au roi : « Quand j’étais jeune, j’avais pour règle de ne jamais boire avant le déjeuner. Maintenant, ma règle ; c’est de ne pas boire avant le petit déjeuner ». Harold Mac Millan nous livre la composition de son petit déjeuner à 7h30. Œufs, bacon, saucisses et café suivis d’un grand whisky à l’eau de Seltz et d’un énorme cigare qui faisait l’admiration générale.

Sa retraite prise, établi à Chartwell, il aimait bien recevoir des visites en nourrissant ses poissons rouges qu’il appelait « mes chéris ». Un jour il proposa un whisky à l’eau de Seltz à un mormon qui lui répondit : Puis-je plutôt avoir de l’eau, sir Winston ? C’est ce que boivent les lions. – Les ânes aussi ! » fut sa réponse.

Sur la fin de sa vie il s’installait à Cap d’Ail chez Lord Beaverbrook. Un soir Daisy Fellowes qui avait épousé un cousin germain s’exclama alors qu’il paraissait endormi : « Quel dommage qu’un si grand homme se plaise à passer ses années de déclin en compagnie d’Onassis et de Wendy Reves » on entendit un grognement puis « Daisy, Wendy est trois choses que vous ne serez jamais : elle est jeune, elle est belle et elle est gentille. »

Bref pour tout vous dire notre héros fut un homme politique, sportif, artiste, orateur, parlementaire, journaliste, essayiste, joueur de casino, soldat, correspondant de guerre, aventurier, patriote, internationaliste, rêveur, pragmatique, stratège, sioniste, impérialiste, monarchiste, démocrate, égocentriste, hédoniste, romantique mais aussi lépidoptériste, chasseur de gros gibier, amoureux des animaux, rédacteur en chef de journal, espion, maçon, bel esprit, pilote d’avion, cavalier, romancier et « bébé pleurnicheur »

Quel homme !

J’en profite pour conseiller aux meilleurs d’entre vous de vous procurer au plus vite le livre de Andrew Roberts intitulé sobrement : Churchill

A bientôt pour de nouvelles aventures.

Donec

Adieu Bertrand

Bonjour la compagnie

Dans sa bonne ville de Lyon, il veillait sur la destinée de l’Institut Lumière, temple du 7ème art dont il était le gardien de l’Histoire. Ce grand garçon dégingandé et sympathique nous a quittés le 25 mars. Depuis 1974 Bertrand Tavernier réalisait des films attachants, poétiques  et de haute tenue avec les acteurs que nous aimons tous.

Tout avait commencé en 1974 avec son « Horloger de Saint Paul » d’après une nouvelle de Georges Simenon. Il avait planté sa caméra dans sa ville de Lyon toute en traboules et en bouchons. Philippe Noiret, horloger et bon vivant essayait de sortir des griffes de la justice un fils un peu expéditif dans ses relations avec le vigile violeur de son amie.

Cet amour pour sa ville on le retrouvera dans « Une semaine de vacances » où la gentille Nathalie Baye pète un peu les plombs. On profite de l’occasion pour visiter la maison où plane encore l’ombre du père Tavernier grand résistant, éditeur de la revue « Confluences » et hébergeur de Louis Aragon pendant la guerre.

En 1975 il offre un rôle à Michel Galabru où celui-ci donne toute sa mesure, « Le Juge et l’assassin » où un chemineau « sérial killer » assassine à tour de bras les bergères. Là encore éclatent la finesse et l’Humanité de Tavernier dans la France ingrate du XIXème siècle.

Un an plus tard il donne dans le film historique avec « Que la fête commence » florilège des turpitudes de la Régence avec Noiret en grand seigneur cynique et Jean Rochefort en abbé Dubois plus vrai que nature.

En 1981 avec « Coup de torchon » il réalise une adaptation d’un roman noir de Jim Thomson. il nous joue la colonisation façon Céline avec un cynisme déconcertant. Il faut voir Philippe Noiret en ange exterminateur des ordures d’un milieu colonial en décomposition. Succès immense nominé aux Oscars et aux Césars.

En 2002dans « Laissez passer » il prend pour cible Ce cinéma des années 40 que nous aimons tous avec les Carné, Prévert, Autan-Lara, Clouzot et tant d’autres. Nous sommes sur les plateaux de tournage avec deux héros résistant chacun à sa façon, Jacques Gamblin et Jean Aurenche. En toile de fond se dessine avec netteté ce monde du cinéma souvent passif et un rien collaborateur. En plus il nous montre l’homme des Nazis et de la Continental, Alfred Greven sous un jour mesuré et plutôt sympathique.

Nous ne pouvons pas passer sous silence ses œuvres traitant de la guerre de 1914 à commencer par « Capitaine Conan » magnifiquement campé par Philippe Torreton en baroudeur des Balkans au mieux de sa forme. Le roman d’où est tiré le scénario est, je le rappelle pour la jeunesse d’un auteur d’exception, Roger Vercel qui nous fit si souvent embarquer sur des cap-horniers. En 1989 il donne  « La vie et rien d’autre » qui traite de l’après-grande guerre à travers une quête nostalgique dans une France exsangue. L’Histoire semble figée dans le souvenir des héros disparus.

L’oeuvre de Bertrand Tavernier est naturellement beaucoup plus riche sans parler des livres écrits et de son amour du cinéma américain qu’il connaissait remarquablement. Bref je n’oublierai pas non plus le magnifique Claude Dauphin en peintre revenu de tout donnant la réplique à Sabine Azéma, femme libérée dans un film « belle époque ».

A bientôt pour de nouvelles aventures.

Donec

Actuellement TV5 donne une formidable histoire du cinéma français par notre ami Tavernier qui est particulièrement jubilatoire. A ne surtout pas manquer !

La « peau de bouc » de la semaine :

  • Rire bruyamment sur le passage d’un gradé de façon à laisser supposer qu’il riait de lui.

Encore la perfide Albion

Nous allons évoquer aujourd’hui le triste évènement que fut Mers el Kébir mais nous nous intéresserons au point de vue des Anglais. Comment la perfide Albion a conçu et vécu l’évènement.

Nous sommes au début du mois de juillet 1940, la France a signé avec l’Allemagne un armistice le 22 juin, et c’est seulement le 10 juillet que les pleins pouvoirs seront accordés au Maréchal Pétain. Il règne dans les sphères gouvernementales françaises une pagaille d’interrègne.

La France vieillissante de 1939 a mis les pouces à la grande satisfaction de certains. Cependant l’armistice signé le 22 juin a rendu les Anglais fous de rage car ils vont devoir, seuls, résister au terrible choc des divisions nazies et se préparer à un éventuel débarquement. Pour eux qui voyaient l’armée française comme la meilleure du monde la déconvenue est terrible.
Churchill est consterné par l’armistice. Il en éprouve un immense chagrin et ne prendra aucun risque avec la flotte française dont l’appropriation par les Allemands aurait de terribles conséquences ; Il est certain que cet évènement aura lieu tôt ou tard.

Il a un long entretien avec le roi et la reine. Le souverain note à l’issue de la rencontre : « Il est furieux contre la France. Pourquoi devrions-nous lui faire des politesses après sa conduite envers nous ? Elle est revenue sur sa parole et sur son alliance, et sa flotte est dispersée un peu partout. Nous nous retrouvons seuls au monde, à attendre ».

Au soir du 1er juillet, après une entrevue Lord Beaverbrook écrira :

  • Ce n’est qu’à 2 heures du matin que Churchill prit sa décision. Il fallait qu’il la prenne tout seul. Il ne pouvait chercher aucun soutien – et n’en chercha pas [ … ] Juste après l’avoir prise, il quitta la salle du Conseil pour aller dans le jardin du 10 Downing Street. Il arpentait la pelouse, tandis que soufflait une forte brise – Une très forte brise. La nuit était noire. Il n’y avait de lumière nulle part mais il arpentait la pelouse de long en large parce qu’il en connaissait la moindre aspérité [ … ] Il était incroyablement perturbé et il ne reprit ses esprits qu’au bout de quelques minutes d’un vigoureux exercice.

Ce sera l’opération « Catapult ».

Le 2 juillet le premier ministre télégraphie a L’amiral Sommerville

  • Vous êtes chargé de l’une des tâches les plus désagréables et les plus difficiles auxquelles un amiral britannique ait jamais été confronté, mais nous avons entière confiance en vous et nous comptons sur vous pour l’exécuter sans faiblir.

Par la suite il qualifiera son ordre de couler la flotte française à Mers el Kébir et d’arraisonner les navires français à Portsmouth de décision odieuse, la plus contre nature et la plus douloureuse qui ne lui soit jamais échue.

Naturellement nous nous souvenons aussi que l’amiral Gensoul était libre d’éviter l’affrontement en se sabordant, en appareillant pour les Antilles, en rejoignant les Etats-Unis ou en venant se battre aux cotés des Britanniques.

Plutôt que de prendre une décision ferme il va faire traîner les négociations en longueur n’imaginant pas, contrairement à son chef d’état-major que les Anglais puissent attaquer. Si Darlan ne peut être joint l’amiral Luc transmet en clair l’ordre aux bâtiments de guerre français de se porter au secours de l’escadre de Mers El Kébir. En revanche, l’amiral Godfroy et sa force X au mouillage à Alexandrie parvient à sauvegarder sa flotte, Gensoul manque son rendez-vous avec l’Histoire.

Pour conclure Churchill le 4 juillet présente l’opération « Catapult » aux Communes. Il explique le « sinistre devoir » qu’il s’était senti obligé d’exécuter. Sa fille écrira : » Cela à été un jour très triste pour Papa. Sa déclaration a été triste et sombre, mais pleine de résolution et d’encouragement. Il a exposé la situation et l’action du gouvernement devant une chambre lugubre, attentive et pleine à craquer ». A l’issue du discours Winston se rassoit les larmes lui coulant sur les joues.

A bientôt pour de nouvelles aventures

Donec

Sur la peau de bouc ; »Jeter à la mer par méchanceté les tripes des aspirants »

Au bon temps du Maréchal

‌‌Bonjour la compagnie,

Je viens de refermer un petit livre admirable et bouleversant. Sur la couverture le visage ouvert et lumineux d’une jeune fille de vingt ans. Son titre : « Hélène Berr journal » préface de Patrick Modiano.

Le ton est donné dès les premières pages, nous sommes dans une famille juive, bourgeoise et cultivée, le père est ancien combattant de 14-18. Il assume de hautes responsabilités chez Kuhlmann.

Dés l’automne 1940, ils vivent sous la menace d’un Etat et de sa politique antisémite. Il a mis en œuvre une politique tatillonne, mesquine et bête mais par-dessus tout d’une incroyable méchanceté. Sur cette famille comme sur des milliers d’autres plane la perspective d’être envoyée à Drancy puis aux confins de la Pologne.

Dans ce milieu tous savaient que la déportation serait une expérience terrible. Pour s’en convaincre il suffisait d’assister aux rafles haineuses et sans ménagement de la police française. Il est toujours étonnant, aujourd’hui encore, d’entendre l’argument : « on ne savait pas ! ». Les juifs eux subodoraient la nature du traitement qui leur serait infligé.

Hélène, étudiante en anglais, jeune fille attachante et lumineuse ne baisse pas les bras. Elle poursuit de brillantes études. Elle nous fait partager son goût des lectures, de la musique, de l’amitié.

Elle mène également une intense activité sociale et vient en aide aux laissés-pour-compte de ce peuple maudit et ostracisé. Elle s’occupe particulièrement des enfants. Car le bon vieillard à la voix chevrotante installé à Vichy compte sur son exécuteur des basses œuvres, Pierre LAVAL pour prendre en main l’avenir des petits enfants juifs devenus orphelins. Le témoignage d’Hélène est poignant.

Ils voulaient tous repartir avec moi. Dans son enthousiasme Dédé Khan m’a dit – je vois encore sa figure suppliante, ses yeux noirs, si noir avec ses cheveux dorés, tout près a étinceler de rire : « j’voudrais que tu dormes près de moi ! » C’était l’expression suprême de son amour !

Naturellement quelques jours après ces gosses embarqueront dans des convois pour suivre leur terrible destin. On imagine ce que peu ressentir dans cet enfer un petit de cinq ans.
Chaque jour, les rangs de ses amis, de ses parents s’éclaircissent un peu plus.

Jamais Hélène ne perd courage, elle nous fait partager sa soif de vie avec la conscience claire de sa prochaine disparition.

Déportée à son tour, elle mourra à Bergen-Belsen en avril 1945

A très bientôt pour la suite de nos aventures

Donec

Ps : Nous savons tous que l’antre du « bidel » autrement dit « la bidelerie » est celle du capitaine d’armes, haut-lieu de la discipline à bord des bâtiments de la flotte. Comme chacun sait le « cipal fusco » est le maître principal fusilier commandos personnage auquel il ne convient pas de chatouiller les moustaches. C’est lui qui assume les fonctions de capitaine d’armes sur les unités importantes.

Par ailleurs la palette de couleurs qui concerne le marin de l’Etat se compose de deux teintes le vert soubassement et le gris coque.

Sur la peau de bouc (motif de punitions à bord)
« Avoir perdu par négligence un pèse-sel appartenant à l’Etat »