Sacré David

Bonjour la compagnie,

Quand on déambule sur la promenade Maurice Rouvier à Saint Jean Cap Ferrat, avec une vue imprenable sur la villa Kérylos nous atteignons bientôt une maisonnette baptisée lo Scogliéto « petit rocher ». Elle est adorable avec son petit port et abrita quelques temps un acteur britannique à l’humour désopilant : David Niven.

Il disposait d’un port minuscule et d’un frêle esquif qu’il empruntait pour se rendre au port des Fourmis et faire ses courses. De là, le journal acheté, il faisait une petite visite à « Photo Bristol » où officiait Jacques qui avait suivi dans les années 44 une petite formation en Écosse pour faire dérailler les trains, exploser les bunkers ou envoyer les sentinelles allemandes rejoindre leurs ancêtres. Là, sous l’œil amusé de l’épouse du photographe, petite blonde pétillante, les deux compères se livraient à quelques saluts suivant le cérémonial britannique. Car n’oublions pas que Niven avait fait ses humanités à Sandhurst, haut lieu de la culture militaire en vogue de l’autre côté de la Manche.

Dans son livre « Décrocher la lune » David nous livre quelques anecdotes désopilantes. Je lui laisse la parole. Il est ce soir-là invité à une soirée mondaine…

« Tournée sur tournée dans l’antichambre et enfin, juste comme je me mettais en route pour une visite des plus indispensables aux toilettes, Mr. Gifford annonça le dîner. La vessie pleine à éclater, on me conduisit à ma chaise près du colonel, comme un mouton à l’abattoir. Etant donné qu’il ne m’avait toujours pas directement adressé la parole pendant le service, je n’étais guère en position de lui demander la permission de m’absenter un instant, requête d’ailleurs inconcevable, car officiers et gentlemen ne devaient sous aucun prétexte quitter la table avant la fin du dîner et le toast porté au roi. La sueur me jaillit par tous les pores de la peau quand j’imaginais les heures d’agonie qui s’étendaient devant moi. Il y a longtemps que j’ai oublié qui était à ma droite. Qui que ce fût, lui aussi ne lança jamais un mot dans ma direction.

Ainsi dans un silence lamentable, je passai le repas, jambes croisées, sueur dégoulinant sur mon plastron empesé, tandis que mon col cassé se fanait sous l’averse.

Le potage froid (nouvelle épreuve pour ma vessie) fut suivi de divers services, tous abondamment arrosés d’un vin différent. Je buvais tout ce que l’on plaçait devant moi, dans le vague espoir que quelque chose agirait comme un anesthésiant et diminuerait ma torture.

Le temps d’arriver au fromage, j’étais à toute extrémité, et plus rien ne m’importait. Ma carrière pouvait aussi bien se terminer ce soir même dans une petite mare sous la table d’acajou, je n’en avais cure ; mais heureusement les secours étaient en route. Mr.Gifford se pencha vers moi et me chuchota à l’oreille. :

Avec les compliments de Mr. Trubshawe, sir, je viens de placer un magnum vide sous votre chaise.

Le soulagement qui suivit ces mots ne peut se comparer à un flot harmonieux mais plutôt à une impétueuse cataracte, qui s’écoula apparemment interminable. Mais ayant fermement coincé la bouteille entre mes deux genoux, je pus viser d’une main, tandis que l’autre restait bien en évidence sur la table, émiettant nonchalamment un biscuit à la cuillère. Ce fut aussi bien, car, soudain, le colonel me prit à témoin, et me parla pour la première fois. Je fus si ébranlé par ce brusque revirement de l’étiquette que je faillis lâcher ma prise sur le récipient tiède et maintenant assez lourd, clandestinement calé entre mes jambes.

Il s’exprima avec une concision et une clarté admirable : – J’ai, dit-il baisé des femmes de toutes les nationalités, et la plupart des animaux, mais il y a une chose que je ne peux pas supporter, c’est une fille qui a l’accent de Glasgow, passez le porto. »

Il ne m’adressa plus jamais la parole.

[…] Enfin après que le major des cornemuseurs eut joué son pibroch en solo, cet air admirable et poignant La Bataille désespérée des oiseaux, le colonel sortit de la salle en vacillant, suivi des survivants qui se livrèrent alors à de monstrueuses embardées ponctuées de cris démentiels, le tout baptisé « danses écossaises » pour la circonstance. Celles-ci, à leur tour, dégénérèrent en une compétition tendant à savoir qui, en passant sur les meubles, pouvait faire plus vite le tour de l’antichambre sans toucher le sol ; Trubshawe, Pleydell-bouvrie, Kelburn et moi-même partîmes quelque peu alarmés quand un général d’aviation mangea une flûte de champagne, tige, pied et tout, et que les commandants proposèrent la compétition suivante : ramasser avec les dents une boîte d’allumettes sur le sol, avec une bouteille de champagne en équilibre sur la tête. »

Vous avez maintenant la preuve que sous des allures un peu guindées les Britanniques sont de joyeux drilles…

A bientôt pour de nouvelles aventures et en attendant passez de bonnes fêtes et à l’année prochaine….

Donec

Sur la peau de Bouc : les motifs de punitions dans la Marine nationale – « avoir été trouvé chantant dans un débit alors qu’il était censé être malade à domicile »

Les mots du Général : Du maréchal Montgomery : « Ce n’est pas un soldat, c’est un acteur. Mais il joue tellement bien la comédie du chef qu’il arrive à s’identifier à son personnage. »