Adieu Bertrand

Bonjour la compagnie

Dans sa bonne ville de Lyon, il veillait sur la destinée de l’Institut Lumière, temple du 7ème art dont il était le gardien de l’Histoire. Ce grand garçon dégingandé et sympathique nous a quittés le 25 mars. Depuis 1974 Bertrand Tavernier réalisait des films attachants, poétiques  et de haute tenue avec les acteurs que nous aimons tous.

Tout avait commencé en 1974 avec son « Horloger de Saint Paul » d’après une nouvelle de Georges Simenon. Il avait planté sa caméra dans sa ville de Lyon toute en traboules et en bouchons. Philippe Noiret, horloger et bon vivant essayait de sortir des griffes de la justice un fils un peu expéditif dans ses relations avec le vigile violeur de son amie.

Cet amour pour sa ville on le retrouvera dans « Une semaine de vacances » où la gentille Nathalie Baye pète un peu les plombs. On profite de l’occasion pour visiter la maison où plane encore l’ombre du père Tavernier grand résistant, éditeur de la revue « Confluences » et hébergeur de Louis Aragon pendant la guerre.

En 1975 il offre un rôle à Michel Galabru où celui-ci donne toute sa mesure, « Le Juge et l’assassin » où un chemineau « sérial killer » assassine à tour de bras les bergères. Là encore éclatent la finesse et l’Humanité de Tavernier dans la France ingrate du XIXème siècle.

Un an plus tard il donne dans le film historique avec « Que la fête commence » florilège des turpitudes de la Régence avec Noiret en grand seigneur cynique et Jean Rochefort en abbé Dubois plus vrai que nature.

En 1981 avec « Coup de torchon » il réalise une adaptation d’un roman noir de Jim Thomson. il nous joue la colonisation façon Céline avec un cynisme déconcertant. Il faut voir Philippe Noiret en ange exterminateur des ordures d’un milieu colonial en décomposition. Succès immense nominé aux Oscars et aux Césars.

En 2002dans « Laissez passer » il prend pour cible Ce cinéma des années 40 que nous aimons tous avec les Carné, Prévert, Autan-Lara, Clouzot et tant d’autres. Nous sommes sur les plateaux de tournage avec deux héros résistant chacun à sa façon, Jacques Gamblin et Jean Aurenche. En toile de fond se dessine avec netteté ce monde du cinéma souvent passif et un rien collaborateur. En plus il nous montre l’homme des Nazis et de la Continental, Alfred Greven sous un jour mesuré et plutôt sympathique.

Nous ne pouvons pas passer sous silence ses œuvres traitant de la guerre de 1914 à commencer par « Capitaine Conan » magnifiquement campé par Philippe Torreton en baroudeur des Balkans au mieux de sa forme. Le roman d’où est tiré le scénario est, je le rappelle pour la jeunesse d’un auteur d’exception, Roger Vercel qui nous fit si souvent embarquer sur des cap-horniers. En 1989 il donne  « La vie et rien d’autre » qui traite de l’après-grande guerre à travers une quête nostalgique dans une France exsangue. L’Histoire semble figée dans le souvenir des héros disparus.

L’oeuvre de Bertrand Tavernier est naturellement beaucoup plus riche sans parler des livres écrits et de son amour du cinéma américain qu’il connaissait remarquablement. Bref je n’oublierai pas non plus le magnifique Claude Dauphin en peintre revenu de tout donnant la réplique à Sabine Azéma, femme libérée dans un film « belle époque ».

A bientôt pour de nouvelles aventures.

Donec

Actuellement TV5 donne une formidable histoire du cinéma français par notre ami Tavernier qui est particulièrement jubilatoire. A ne surtout pas manquer !

La « peau de bouc » de la semaine :

  • Rire bruyamment sur le passage d’un gradé de façon à laisser supposer qu’il riait de lui.