Bonjour la compagnie,
Il est bien agréable d’écouter un livre disque quand on est perdu dans un embouteillage, les conducteurs à nos côtés font grise mine, pestent, vocifèrent, klaxonnent et nous, imperturbables, découvrons une œuvre ou un personnage. Quand un auteur est lu par un comédien, le récit prend un relief nouveau. Tout cela pour vous dire que j’ai mis dans mon Blaunpunkt la biographie de Simone Veil. Cette Dame a débuté son adolescence au milieu d’assassins, l’a poursuivie en ferraillant avec des butors enragés, heureusement l’épilogue fut plus heureux.
Trois mots la qualifient : beauté, intelligence, humanité.
Niçoise, elle connaît une enfance bourgeoise avec son frère et ses sœurs, même si la crise des années trente impacte durement la vie de la famille. Fort caractère, elle entonne un jour, sur son balcon « l’internationale », dénoncée par un voisin, son père doit se justifier auprès de la police. Les Jacob, patronyme de la petite Simone, appartiennent à cette élite juive, non religieuse, cultivée et amoureuse de la France. En 1941 le Maréchal Pétain veille sur les bons français, leur enjoignant d’accepter les misères du temps, juste retour de bâton après les extravagances folles des années trente et du front populaire. Naturellement les Juifs sont en dehors des préoccupations du bon vieillard et ce n’est pas parce que le père de Simone a fait une belle guerre de 14 qu’il aura la vie sauve. En 1943, ils prendront, après une escale à Drancy, le chemin d’Auschwitz-Birkenau, camp d’extermination comme chacun sait.
Elle y portera le matricule 78651
Son séjour dans le camp nazi est une aventure effroyable mais sa beauté la sauve du pire. La Kapo chargée du tri l’enverra pour cette raison, avec sa sœur, jouer les petites mains à l’usine Siemens plutôt que charrier des blocs de roches dans la carrière de la mort. Néanmoins sa mère, son père et son frère n’auront pas la même chance.
Au retour d’Auschwitz, elle est une jeune fille qui a touché le fond de la misère humaine. Elle va se souvenir des traitements infligés aux proscrits et en tenir compte. Elle entreprend alors avec courage et détermination ses études de droit et de sciences politiques qui vont mener cette femme d’exception au plus haut niveau des responsabilités.
Mais la route est longue. La voilà confrontée à la haine et à la bêtise à front de taureau. Distinguée par sa hiérarchie, elle devient magistrate attachée titulaire auprès de l’administration pénitentiaire. Dans cette période glauque des années 50 elle n’aura de cesse d’améliorer le sort des prisonnières.
C’est l’époque de la guerre d’Algérie où les pires horreurs sont commises. Il ne fait pas bon d’être détenue FLN dans les prisons d’Alger. Simone Veil est indignée par ce qu’elle apprend et ce qu’elle subodore. Mais la dame est combative, elle ne cède rien et jamais. Elle fait donc rapatrier toutes ces prisonnières dans des prisons métropolitaines. Ces femmes lui en seront éternellement reconnaissantes.
En 1974 Giscard D’Estaing accède à la présidence de la république et veut absolument faire du neuf, du moderne et du décoiffant. Il va s’y employer avec le fantasque Servan-Schreiber qui passe en coup de vent et avec la courageuse Simone qu’il jette dans l’arène. En ces temps d’obscurantisme, les femmes n’étaient pas autorisées à interrompre leur grossesse, c’était fermement puni par la loi.. Pourtant chaque année 300 000 d’entre elles, au péril de leur vie, faisaient disparaître une naissance non désirée à l’aide d’une matrone et d’aiguilles à tricoter. Dans ces conditions, de nombreuses femmes mouraient ou étaient traumatisées. L’abrogation de la loi était dans toutes les têtes, cette bonne vieille loi de 1920 renforcée en 1941 où l’avortement était assimilé à un crime d’État. Ministre de la santé de Jacques Chirac, elle est encore peu connue du grand public. Soutenue par l’entourage du président comme du premier ministre, elle va s’employer à faire passer une loi dont aucun des pisse-vinaigre de l’assemblée nationale ne veut. La bataille dure trois jours et trois nuits souvent contre sa propre majorité : catholique, conservatrice et d’extrême-droite. Les pires déclarations sont faites : « L’IVG serait une euthanasie légale », « de la barbarie organisée qui rappelle le nazisme et les fours crématoires ». C’est Jean Foyer, maire de Tours, que la presse satirique tourne en dérision qui mène la fronde (et la danse). Chirac lui-même vient sur le banc des ministres pour la soutenir. Les premiers mots de son discours sont dans toutes les têtes – « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme, Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes ». La loi est enfin adoptée après la prise de parole de 74 orateurs. Simone Veil suscite alors l’admiration des Français et acquiert une notoriété qui ne s’est jamais démentie.
Autre combat, l’Europe, pour elle la construction européenne est le seul moyen d’éviter les drames du passé. Giscard d’Estaing lui propose de porter les couleurs de l’U.D.F. Ce sera donc une victoire qui lui fera accéder à la présidence du Parlement Européen. Elle occupera ce poste trois années avant de se consacrer à d’autres tâches toujours prestigieuses : ministre d’état, haut conseil à l’intégration, puis elle entre au conseil constitutionnel. En 2008 elle la voilà à l’Académie Française, fauteuil numéro 13 celui de Jean Racine et de Pierre Loti.
Elle disparaît en juillet 2017 et depuis 2018 elle repose au Panthéon auprès de son mari Antoine.
Quel personnage et quelle vie !
A bientôt pour de nouvelles aventures
Donec
Sur la peau de bouc, motifs de punition dans la Marine Nationale : « Flâner avec un air sournois près de la cambuse »
Les mots du Général : Garden-party à l’Elysée. Dans un coin du parc, des journalistes désœuvrés regardent passer les invités et tuent le temps en pillant un buffet. Touché par tant de détresse, l’attaché de presse élyséen promet que le général va venir se soumettre au supplice de la question.
Conciliabule agité entre le Général et son attaché. Finalement, le Général se détache du groupe agglutiné autour de lui et glisse, majestueux, vers les reporters qui l’attendent, crayons et bloc-notes dressés. Il toise l’adversaire :
– Il fait bon sous ces ombrages ! dit-il. Et Il s’éloigne vers un autre groupe.