1942 du Rififi à Toulon

Bonjour la compagnie,

Chaque époque a son caractère. Il y a la grandeur qu’affectionnait de Gaulle, la douceur de vivre des années qui précédèrent la Révolution, la violence des années de la « Grande Guerre » et puis la médiocrité qui caractérisa l’Etat Français.

Après l’attaque surprise et injuste de Mers el Kébir un vent anti –britannique souffla dans les carrés de nos bâtiments de guerre et certains, tels l’amiral comte de Laborde ou l’amiral Darlan qui se détestaient n’avaient en commun que la haine de l’Anglais.

La retraite forcée de notre Flotte à Toulon émoussa gravement la combativité des chefs de la Marine qui se retrouvaient en quelque sorte « demi-solde ». Ils  ne prirent jamais la mesure de la roublardise d’Hitler et pas un instant ne crurent qu’il pouvait trahir sa parole.

Quand les alliés débarquent le 8 novembre 1942 en Afrique du Nord, certains sont prêts tel l’amiral Négadelle à envoyer nos sous-marins affronter l’armada anglo-saxonne.

Conséquence de ce débarquement, les Allemands envahissent la zone Libre le 10 novembre 1942.  Pas un instant les autorités françaises ne pensent que la Flotte de  Toulon courre le moindre danger. Les autorités allemandes ne les détrompent pas.

L’amiral Auphan, secrétaire d’Etat à la Marine, inquiet, va inciter le Maréchal Philippe Pétain à quitter la France et lui demander de faire appareiller la Flotte. Le Maréchal répond « Je ne vois aucune raison de quitter les Français » et laisse l’appareillage en suspens. Auphan aurait pu ordonner l’appareillage mais De Laborde, chef de la Flotte de Haute Mer, aurait-t-il obéi ? Auphan, façonné à l’obéissance, ne fit rien. Il n’imaginait pas alors que la sortie de nos bâtiments puisse rapidement devenir impossible.

Il envoya pourtant des instructions sur la conduite à tenir en cas d’intervention des Allemands.

1)      Empêcher toute effusion de sang

2)      S’opposer à l’entrée des troupes étrangères à bord des bâtiments et négocier

3)      En cas d’échec saborder les bâtiments

Pour se rassurer il écrit une lettre au grand Amiral Raeder, chef de la Marine allemande, où il évoque un ennemi et un passé commun sous l’aile bienveillante du Maréchal. Il dit aussi qu’ils  se rencontraient  « sur le chemin de l’honneur et de la fidélité à leurs patries respectives ». Le destinataire de la lettre, soulagé d’une telle attitude, répondit sur un ton bienveillant, confiant la défense de Toulon à la Marine française. Ce que les amiraux Auphan, de Laborde et Marquis, le préfet maritime, prirent très au sérieux et discutèrent avec leurs homologues allemands du réarmement de certaines batteries.

Pendant ce temps nos amis d’Outre-Rhin qui ont une idée derrière la tête poursuivent leur stratagème qui est clairement d’enlever un maximum de défenses au camp retranché pour le moment venu le prendre d’assaut sans coup férir.

Marquis et De Laborde sentirent bien que ça ne tournait pas rond et que l’orage venait mais pour leurs équipages ils poursuivirent leur fiction : « Le maréchal veut que cette défense soit confiée uniquement à des marins ». Le camp retranché de Toulon est non seulement   en sous-effectifs pour assurer la défense mais  leurs amis d’Outre-Rhin leurs retirent tout moyen aérien d’observation ou d’attaque ne leur laissant que les coucous de l’aéronavale embarqués sur les plages d’envol des unités.

Après le 19 novembre les dés sont jetés, l’appareillage est impossible et l’aviation ennemie tourne dans le ciel toulonnais. Il ne va plus rester que ce suicide collectif qu’est le « Sabordage ». Celui-ci sera mené avec talent et efficacité, la préparation sera une réussite.

Voyons l’horaire d’exécution :

0’ : rassemblement des équipes de sabordage 

10’ : début de l’opération

20’ : portes du condensateur ouvertes

30’ : réducteurs avariés au chalumeau

40’ : panneaux et hublots ouverts ; grenades amorcées

50’ : découpage des cloisons au chalumeau (fin du premier temps) – ouverture des vannes

60’ : toutes vannes ouvertes

80-90’ : bâtiment coulé et chaviré.

Et v’la l’travail !

Par le plus grand des hasards 5 000 marins allemands étaient  arrivés sur le port de Marseille afin d’armer, disaient les allemands, les navires marchands que Laval avait généreusement remis aux autorités d’occupation. Mais qui pouvait croire à cette fiction ?

Le 25 novembre les amiraux croient ou feignent de croire dans les promesses d’Hitler et confiants accordent aux hommes mariés l’autorisation de coucher de nouveau en ville.

Le 27 novembre Hitler prend sa plume pour accuser les amiraux français de ne pas avoir respecté leur parole (sic) et il annonce l’occupation de Toulon et la dissolution de l’armée d’armistice et ajoute, comble d’ironie, que ces mesures ne sont ni dirigées contre la France ni contre ses soldats.

Le même jour, sans en avoir parlé aux Italiens, à 4h1/2 une importante colonne se dirige vers le fort Lamalgue pour s’assurer de la personne de l’amiral Marquis. Toutes les communications dans la région ont été interrompues.  Les Allemands prennent l’amiral au saut du lit mais malheureusement pour eux l’alerte est donnée, De  Laborde est averti, Vichy prévenu. Quand les premiers Allemands pénètrent dans l’arsenal du Mourillon, les ordres sont déjà déclenchés et l’opération commence vers 5h15.

La belle Flotte française s’est fait harakiri.

Voilà le résultat des tergiversations, hésitations, atermoiements de ces hommes obnubilés par la haine de l’Angleterre et  leur croyance  en la parole d’Hitler. Naturellement planait au-dessus d’eux l’ombre castratrice du maréchal Pétain qui n’était plus alors l’homme de 1917. Les Auphan, De Laborde, Marquis, Le Luc, et quelques autres avaient tous manqué leur rendez-vous avec l’Histoire.

A bientôt pour de nouvelles aventures ;

Donec